Bonne année à tous !

J’espère que vous avez passé de bonnes fêtes et prit des résolutions en béton. Eh oui, nous allons démarrer 2017 sur les chapeaux de roues (prenez garde au verglas, sait-on jamais). Je dois vous avouer que j’ai justement de quoi les malmener, ces bonnes intentions. Bon, on ne va pas se mentir, on les prend, avant tout, pour ne pas les tenir.

Sans plus de préambules, passons au livre du mois ! Il s’agit d’un faux roman policier écrit par le célèbre auteur américain Jim Harrison. Son petit nom : Péchés capitaux.

Autant vous le dire, il n’en a pas fallu davantage pour piquer ma curiosité.

Pour quels publics :

– Adultes ;

– Amateurs de polars ;

– Les inconditionnels des réflexions existentielles.

Sunderson, inspecteur de police à la retraite, n’aspire qu’à se mettre au vert dans un bungalow du Nord Michigan. Sitôt installé, il découvre que ses voisins, la famille Ames, sèment la terreur dans toute la région. Quand une série de meurtres éclate au beau milieu de sa saison de pêche à la truite, Sunderson se trouve contraint de reprendre du service…

En apparence, ce récit ressemble à un roman policier plutôt classique, voire à un roman de gare.

Mais il ne faut pas s’y fier. L’enquête n’est que la trame secondaire. On connaît très vite l’identité du meurtrier, de ses complices, son mobile et le mode opératoire employé. L’important est de parvenir à le coincer.

Tout ceci sert à la fois d’illustration aux péchés capitaux et de prétexte pour faire émerger l’intrigue principale : un bilan de la vie passée et actuelle du protagoniste. Ce qui l’amène à réfléchir sur la place de ces vices dans la société. Une observation du monde et de lui-même qui doit lui permettre d’écrire un essai sur le 8ème : la violence.

« La violence est une tradition ancestrale en Amérique. À l’école, les livres d’histoire ne parlent pas des milliers de lynchages ni de cette habitude de tirer vers le sol dans les tipis pour tuer les femmes et les enfants indiens pendant leur sommeil. Beaucoup de journaux ont proclamé qu’il fallait exterminer tous les Indiens, comme la presse nazie dans les années trente avec les Juifs. »

Les habitués l’auront déjà remarqué, nous avons affaire à un roman américain traditionnel. D’ailleurs, le nom « Ames », qui ne vous dit sans doute rien, est pourtant célèbre. Il fait partie du folklore local.

Inutile de le préciser, ces 8 péchés font figure de leitmotiv. Ils n’épargnent personne, mais se révèlent être de vrais talons d’Achille. En effet, ils nous influencent plus ou moins.

Par exemple, Sunderson est complètement impuissant face à la luxure. Tandis que Lemuel, un des voisins Ames, ne résiste pas à l’orgueil.

Plus encore, l’auteur trouve une illustration pour chacun d’eux et la décline selon le personnage et le camp auquel il appartient. Ce clivage infère que la personnalité d’un individu influence l’usage qu’il en fait au quotidien.

Si, en tant que référence biblique, ils incarnent l’interdit par excellence, il ne faut pas craindre d’y céder. Plus que l’acte en lui-même, ce sont ses répercussions qui importent. Plus ou moins graves en fonction de la transgression à l’égard de la loi.

Le romancier les instrumentalise pour dénoncer l’impact de deux grands problèmes majeurs : l’extrémisme religieux et le manque d’éducation.

Ce roman comporte un troisième aspect : une critique cinglante sur l’écriture et son univers.

« Le trait spécifique de tous ces romanciers était un égocentrisme absolu. Un seul monde existait, limité à leur étrange point de vue. »

Romanciers, scribouillards ou encore lecteurs, elle n’épargne personne. Cependant, plus que des attaques, il faut y voir une forme de conseil qui pointe les savoir-faire et attitudes à bannir. Derrière sa virulence, on retrouve une tendance, particulièrement cultivée en Europe : le don. En effet, on a longtemps estimé qu’un bon écrivain était comme touché par la grâce, né avec cette compétence intuitive qui lui permettait de noircir des feuilles à volonté tout en trouvant les mots justes. Ces a priori conduisent aujourd’hui à banaliser l’écriture. N’importe qui peut écrire et être publié, mais qu’en est-il de la qualité ? À force de baisser le niveau, le lectorat ne peut que se contenter de ce qu’on lui procure.

« L’écriture de Lemuel était absolument dénuée de charme, alors que c’était l’une des principales raisons qui poussaient les gens à lire. Lemuel ne serait jamais un bon auteur de romans policiers. Il voulait informer le monde au lieu de se contenter de le décrire. »

Le verdict

Globalement, c’est un livre bien écrit et rythmé. Cependant, si vous cherchez du suspense et du polar pur et dur, passez votre chemin.

Je recommande surtout sa lecture pour les auteurs en herbe, car en matière de style, il fait figure de modèle. Épuré, simple et d’une grande efficacité. La clarté prime sur les formules alambiquées et c’est précisément ce qu’il cherche à transmettre.

Sa structure en miroir créé un parallèle entre les deux camps : le bien et le mal. Sunderson invite le lecteur à réfléchir et se remettre en question. Je me suis prise au jeu et, laissant de côté les aspects moraux et religieux, je me suis rendu compte que chaque personnage évolue sous l’influence de ces péchés. Ils les guident et les emprisonnent tout autant qu’une addiction. Ainsi, se dégager de leur emprise signifierait reprendre le contrôle sur sa vie.

Je laisse le mot de la fin à Jim Harrison. Un dernier conseil qui vaut dans tous les domaines :

« Ne dis pas : je vais essayer. Ça ne suffit pas. Dis : je vais le faire. »