géant

Bonjour à tous,

Ce début d’année me donne des envies d’ailleurs. Je vous propose de voyager à travers le temps et l’espace, de rejoindre un monde bien connu dans la littérature : celui du Roi Arthur. Cependant, depuis son décès, cet univers à bien changé. Lugubre et inquiétant, c’est ainsi que Kazuo Ishiguro nous le dépeint désormais.

Né en 1954 à Nagasaki, il débarque en Grande Bretagne à l’âge de 5 ans. Ce qui devait être un voyage temporaire n’aura jamais de retour. Après des études de littérature et de philosophie il se lance dans l’écriture. Six romans et un recueil de nouvelles voient le jour. Sa dernière œuvre, Le Géant enfoui, est disponible aux Éditions des Deux Terres.

Pour quels lecteurs

-Tout public ;

-Amateurs d’héroic-fantasy et de dark fantasy.

Dans un monde où Bretons et Saxons cohabitent en paix, un fléau insidieux, la brume, rend ses habitants progressivement amnésiques. Axl et sa femme, Beatrice, entreprennent un voyage périlleux pour rejoindre leur fils. Même s’il les a quittés depuis longtemps, ils sont sûrs qu’il les attend de pied ferme. Sur la route, de multiples obstacles se dressent et plusieurs adjuvants les rejoignent : le guerrier Wistan, son apprenti Edwin et le chevalier Gauvain, neveu du célèbre Roi Arthur.

Bien que leurs quêtes soient différentes, elles convergent vers un seul et unique phénomène : la brume.

Pour mieux vous en rendre compte, voici un passage condensant à la fois l’atmosphère et les dangers de la vie dans cette contrée.

« Des bancs de brouillard glacé suspendus au-dessus des rivières et des marécages, fort utile aux ogres qui, à l’époque, vivaient encore dans ce pays. […] Mais ces monstres n’étaient pas une source d’étonnement. Les gens devaient alors les considérer comme un risque banal, car en ce temps-là ils avaient bien d’autres sujets de préoccupation. »

Un des grands atouts de ce récit est incontestablement son organisation. Divisé en quatre parties, il comprend 17 chapitres dont deux intitulés « La première / seconde rêverie de Gauvain ». Ce découpage précis permet d’accorder plus d’importance aux anecdotes et intrigues parallèles. Chacune de ces pièces contribuent ainsi à former le puzzle de l’intrigue.

Grâce à cette rigueur dans la hiérarchie des scènes, le lecteur passe facilement du narrateur externe (présent sur la quasi-totalité de l’histoire) à la focalisation interne à la première personne (utilisée pour les deux rêveries de Gauvain et le dernier chapitre).

L’ensemble reste fluide et je me suis laissée happer par cet univers si particulier.

À l’image de la dark fantasy, cet endroit inhospitalier abrite de multiples dangers. L’ambiance sombre vire parfois au lugubre et fait ressortir les vices humains. En effet, qui sait si derrière un masque altruiste ne se cache pas un traître perfide ? Ainsi, leur simple, bien que dangereux, voyage se mue en une véritable odyssée éprouvante tant physiquement que psychologiquement pour notre vieux couple.

Ici le genre permet d’asseoir les thèmes du roman : l’amour, la confiance, la haine et la vengeance. Sans rentrer dans le détail, toutes les épreuves sont comparables à des tests visant à démontrer l’amour, la loyauté et la confiance qui unissent les cinq voyageurs.

À mesure qu’ils se côtoient, des souvenirs refont surface, modifiant peu à peu leurs liens initiaux. Justement, plus ils progressent dans leurs quêtes respectives, plus ils comprennent qu’ils sont autant ennemis qu’alliés.

Le verdict

Ce n’est rien de dire que cette œuvre m’a transportée. Le style simple, mais efficace, facilite grandement l’immersion dans ce monde apocalyptique. L’auteur maîtrise les codes de l’univers arthurien malgré la transposition. L’intrigue, rondement menée, garantit l’évasion dès les premières lignes.

Comme on dit « jamais deux sans trois », les droits du roman ont été vendu à Hollywood, une prochaine adaptation ne saurait donc tarder.

Clé de voûte du récit, le voyage incarne, pour les saxons Wistan et Edwin, l’initiation du jeune guerrier dans le but de succéder à son maître. En revanche, pour les bretons Axl et Beatrice, c’est une double nécessité : une ré-initiation impérative pour achever leur dernier voyage.

Venons-en la fin que je qualifierais à la fois d’heureuse, triste et symbolique. Dès les premiers chapitres Beatrice est tourmentée par un batelier. L’homme, mi-Caron mi-Sphinx, doit questionner les couples avant de les emmener, ensemble ou non, vers une île mystérieuse.

Je souhaite refermer cette chronique par une pensée pour Déborah Rogers, l’agent de l’auteur. Décédée subitement en 2014, ce fabuleux chef d’œuvre lui est dédié.

je recommande chaudement