Aujourd’hui, je vais vous parler du témoignage de Régine Salvat, qui, un an après le suicide de son fils atteint d’une maladie mitochondriale évolutive associé à une dyspraxie, a le courage de coucher son histoire sur le papier. Un témoignage poignant, touchant, fait à la demande de Rémy, son fils, et qu’elle avait commencé à écrire pendant leur longue quête de savoir et de traitement.
« Je veux pouvoir faire comme les autres à l’école, surtout lire ! » Son premier grand souhait, il l’avait exprimé haut et clair devant le professeur. Lire d’abord. Ensuite écrire. Et simplement courir.
Rémy a à peine cinq ans quand ses parents, Régine et Jean-Pierre Salvat, se rendent compte que quelque chose ne va pas. Maladroit, un peu en retard par rapport aux autres élèves de sa classe de maternelle et trébuchant sans arrêt, Rémy éprouve des difficultés dans la coordination de ses membres. Alors déscolarisé car jugé non apte à rentrer en école primaire et séparé de ses amis, Rémy apprend grâce à sa maman qui lui fabrique des planches d’apprentissage. Aidé de ses parents et de sa petite sœur, Claire, le petit garçon prend ce qui lui arrive avec une grande maturité. Mais il ne s’avoue pas vaincu, et se fait la promesse de retourner à l’école, comme ses amis de maternelle.
En débarquant « nouveaux », ils avaient dû faire comme tant d’autres. Dorénavant, ils étaient confrontés à l’hostilité sourde, aux allusions blessantes. Lui, en tant que « Rémy le Gogol ». Claire en tant que « la sœur de Rémy.»
Le regard des autres et les relations humaines sont un point important dans cette histoire. Rémy fait des rencontres fantastiques, comme fait face à des personnes incompréhensives. Il connait les moqueries, les attaques de ses camarades, des personnes qui osent dire que la maladie a bon dos, mais aussi des amis qui le soutiennent, qui l’aident à avancer, et avec qui il partage ses passions, comme Loys, partageant avec lui ce « y » dans son prénom qui le rends si spécial. Mais pour sa maman, Régine, là encore, ce combat est une succession de passages devant des médecins tantôt compréhensifs et impliqués, tantôt persuadés que son métier de biologiste médical vient influencer ses soupçons sur une éventuelle maladie mitochondriale évolutive. Pour eux, il s’agit juste d’un trouble peut-être généré par la pression qu’elle lui mettrait sur ses épaules. On insinue même qu’elle est atteinte du syndrome de Münchhausen par procuration et donc qu’elle inventerait une pseudo-maladie à son fils pour se faire plaindre de ne pas trouver d’équipe médicale capable d’identifier la maladie de Rémy et de la soigner. Pour au final, onze ans après les premiers signes de la maladie, découvrir que Régine avait visé juste.
Ce qui m’arrive est normal. Je suis coupable d’exister…
Imaginez-vous, quelques secondes, entendre votre enfant dire cela. C’est peut-être une des phrases qui m’a le plus marquée dans ce roman. Elle m’a touchée, et m’a à la fois plongée dans une incompréhension totale. Comment croire qu’un enfant puisse se sentir coupable d’être venu au monde et qu’il mérite sa condition, que c’est sa punition pour être né ? Je pense que ce roman est une belle leçon de vie. Rémy a refusé de se laisser abattre par la maladie, et lutté contre la fatalité du fauteuil roulant qui, pour lui, signifiait le début de sa perte. Pour moi, c’est une leçon de courage, un petit garçon devenu grand et mature bien trop vite à cause de sa maladie, mais qui, pourtant a su se battre jusqu’au bout et ne pas baisser les bras. Entre ses séjours en cliniques, en hôpital psychiatrique, ses lectures tant fantastiques que philosophiques, sa passion pour l’aïkido, et ses projets d’avenir, Rémy nous montre sa façon à lui d’appréhender sa vie de malade, bien que je n’apprécie pas particulièrement ce terme. Courageux serait plus approprié pour cet enfant, puis adolescent et jeune homme qu’il est devenu malgré ce que sa famille appelait « La maladie de Rémy ».
En France, il n’y a pas de loi qui permette aux équipes médicales de pratiquer l’euthanasie. Ça m’empêche de vivre en paix… […] Moi, Rémy Salvat, je vous demande de laisser de côté votre avis personnel et d’arrêter d’être sourd […] je vous demande d’avoir du courage. Vraiment.
Ce que Rémy refusait plus que tout, c’était la peur de se retrouver dans un fauteuil roulant, puis dans un lit d’hôpital, maintenu artificiellement, continuellement dépendant de sa famille, et des médecins. Cela le torturait de plus en plus. Il souhaitait mourir avant d’en arriver là, avoir le choix de sa mort. Pouvoir vivre « sa belle mort » comme il l’appelait plutôt que cette décrépitude. C’est dans cette optique qu’il a dicté une lettre à sa mère, adressée au président du moment, Sarkozy, dans laquelle il lui demande, au nom de tous les malades, le droit de choisir le moment où il pourra quitter ce monde d’une façon plus douce que celle qui l’attend. Une lettre à laquelle il n’aura pas de réponse. Je voudrais aussi souligner le courage de la famille de Rémy, et surtout celui de sa mère. Ne l’étant pas moi-même, je pense que je ne peux pas encore réaliser totalement la force dont elle a dû faire preuve, que ce soit dans sa bataille pour découvrir ce qui arrivait à son fils et faire entendre raison aux médecins, celle d’espérer pouvoir bénéficier des nouvelles biotechnologies du moment mais qui ont été remises en causes pour des questions d’éthique, ou encore dans celle de faire des recherches sur la législation en ce qui concerne l’euthanasie et le suicide assisté. Mais Rémy refusait de mourir ailleurs que dans le pays où il est né. Il a donc décidé de mettre fin à ces jours.
Bien que nous puissions penser que cette demande de Rémy et le débat axé sur la « belle-mort » sont un point important dans ce livre comme pourraient le faire penser la couverture, ainsi que la quatrième de couverture, ce n’est qu’une infime partie de l’histoire. Et ce n’est pas celle qui reste ancrée dans la mémoire. Pour moi, ce roman ne fait pas ressortir une fatalité, mais nous porte un message d’espoir, et de force. C’est une de ces histoires qui nous marque mais qui ne laisse pas un goût amer après la lecture. Au contraire. Je pense que j’ai plus souri que pleuré pendant ma lecture. Il y a eu des moments d’émotion, des moments qui m’ont fait sortir les mouchoirs, mais aussi et surtout des sourires qui apparaissaient sur mon visage devant le caractère de cet enfant, ses réactions. Et pour moi c’est cela qui reste quand on ferme le livre.
Je vous conseille de lire ce témoignage, superbement écrit, dont la publication a été discrète car il relève d’un débat éthique qui a secoué pas mal de monde peu de temps avant avec l’histoire de Vincent Humbert, jeune tétraplégique qui avait demandé au Président le droit de mourir. On découvre dans « Une histoire à tenir debout » ce que Régine, la maman de ce battant, a vécu pendant ces années. Pour moi, c’est un hommage à son fils qui montre la force de sa volonté. Pour la leçon de courage qu’il nous donne, pour le message d’espoir qu’il fait passer, ouvrez ce livre, dévorez-le, que le nom de Rémy vous accompagne comme il m’accompagnera désormais, pour se rappeler chaque jour que les misères de la vie ne sont rien à côté du sourire d’un enfant et des petits bonheurs quotidiens.
Lilou
J’ai eu la chance de pouvoir converser avec Régine Salvat et de lui poser quelques questions. Je vous laisse découvrir ses réponses.
— Pourquoi cela vous semblait-il important de coucher votre histoire sur papier ?
Cela me tenait profondément à cœur, pas seulement parce que c’était la demande de Rémy, mais aussi parce que je pense que beaucoup de personnes, et pas seulement des enfants, sont confrontées à la non écoute du corps médical et qu’il est important de mettre des mots dessus. Il était important aussi de parler de la difficulté qu’ont les enfants de se faire accepter quand il y ont une différence. De dire tout cela au nom des personnes qui en ont besoin. Mais également de vraiment dire ce que peuvent ressentir et vivent les familles au quotidien, car on ne l’imagine jamais vraiment. C’est le décès de Rémy aussi qui m’a fait reprendre l’écriture, et ressortir ce que j’avais déjà écrit quand il était encore là.
— Est-ce qu’on vous a aidé pour écrire ce roman, ou bien l’avez-vous écrit seule ?
Je l’ai écrit seule, et ce que je trouve beau, c’est que grâce à sa demande, maintenant je sais écrire.
— Est-ce que, à cause du sujet un peu délicat, vous avez eu des soucis au niveau de l’édition ? Des refus, des critiques ?
La parution est restée confidentielle, il y a eu une sorte de censure officieuse car j’ai cité certains noms connus. Aucun article de journal, aucun papier sur ce livre. En revanche, je n’ai pas eu de problèmes pour trouver une maison d’édition, j’ai eu plusieurs réponses positives.
— Comment avez-vous perçu les retours qui ont été faits sur votre livre ?
Tous les retours qui j’ai, que ce soit les lecteurs ou blogueurs, ont également employé ce terme de « livre porteur d’espoir » et qui apporte des thèmes de réflexion. Plusieurs personnes me disent que ce livre leur a apporté quelque chose, sur leur vécu et leur ressenti. Les gens qui ont lu ce livre disent que Rémy est vivant, présent dans leur mémoire.
— Vous avez eu pas mal de monde contre vous pendant vos démarches, tant au niveau médical qu’au niveau de votre entourage. Est-ce qu’il vous est arrivé, par manque de soutien, de vouloir baisser les bras ?
Jamais. Et le seul moment où j’ai craqué, on m’a aidé à me pardonner. Mais jamais je n’aurais baissé les bras. Toujours regarder en avant, garder espoir et batailler. Et que la vie se poursuive coûte que coûte pour avoir des moments de joie, de bonheur, de petits plaisirs au quotidien. J’ai toujours été entourée par mon mari, nous sommes un couple soudé. Il était présent et me relayait, surtout pour les choses du quotidien. Je n’étais pas seule.
— Pourriez-vous dire qu’aujourd’hui, vous continuez ce combat contre la maladie ?
J’ai toujours été impliquée dans l’associatif pour des enfants handicapés. Pour moi, c’est une évidence. Même si Rémy n’est plus là, je pense à tous les autres enfants, avec d’autant plus de conviction avec mon vécu. Actuellement, je suis engagée notamment dans l’association Dyspraxique mais Fantastique.
— Aujourd’hui, que voudriez-vous dire aux enfants touchés par cette maladie, ou aux parents qui traversent les mêmes épreuves que vous ?
De dépasser les peurs face à ces immenses épreuves qu’ils affrontent dans la vie et de trouver le bonheur dans les petites joies quotidiennes, de les savourer presque au jour le jour. Ce que Rémy a compris, c’est que ce n’est pas la durée de vie qui compte mais sa richesse.
Je leur souhaite de tenir bon en parvenant chaque jour à savourer ce qu’ils peuvent apporter. Toujours garder espoir et donner un sens à sa vie malgré la maladie, ou le handicap. Que cette vie soit riche.
Et surtout, continuer à avoir des projets, que ce soit la personne malade, ou sa famille.
Je souhaite dire merci à Régine, qui a accepté de me parler, mais également à Christine, qui m’a permis de faire deux fabuleuses rencontres : celle de Régine et de Rémy. Je n’ai découvert Rémy qu’à travers des mots, certes, mais je sais désormais qu’il restera dans ma mémoire. Et qu’il y sera à chaque fois que j’ouvrirai une nouvelle fois « Le Petit Prince », que nous avons en commun.
Pour vous procurer le livre, cliquez sur l’image ci-dessous !
Le site de l’association « Dyspraxique Mais Fantastique » c’est par ici !
Le Facebook du roman, c’est là !
Merci Lilou pour cette chronique qui m’a fait vibrer ! Tu n’aurais pas pu me donner plus envie de lire ce livre ! J’ai hâte maintenant de connaître également Rémy et sa maman au travers de cette histoire qui promet de me bouleverser !
Quelle émouvante chronique ! Tu m’as fait revivre ce livre en quelques lignes. Merci, Lilou, tu rends hommage au courage de Rémy (avec un « i » grec 😉 ), mais également à celui de Régine, qui est une maman extraordinaire, une femme engagée et généreuse.
Merci d’avoir partagé avec tant d’émotions ta rencontre avec Rémy !
Il nous fait rire, il nous fait pleurer et surtout il nous donne une belle leçon de vie 🙂
Merci Christine, je te dois aussi la découverte de Rémy et quelle magnifique rencontre pour moi ! Aussi belle que cette leçon de vie et de courage qu’il nous donne à travers son histoire 😉
Que dire Lilou, sinon merci d’être venue à la rencontre de RémY ( dont le « i grec » du prénom a un sens délicieux, conté dans le récit) en « traversant les apparences », en dépassant cette crainte de lire une histoire sombre . Elle ne l’est pas.Tu l’exprimes fort dans ton billet, c’est le sourire et l’espoir que j’ai voulu offrir aux lecteurs, tout comme mon enfant le souhaitait, lorsque je l’ai écrit. Et je suis heureuse que le message de « tenir debout » dans la vie, quoiqu’il advienne, soit celui que tu as retenu. Tu as su dire des essentiels , avec délicatesse et sensibilité.
Merci Rémi, de tes partages , il est vrai que faire découvrir l’existence de l’association qui soutient les enfants dyspraxiques et leur famille est important , que de découvrir l’histoire de RémY permet de mieux comprendre le parcours de nombre d’entre eux. Au delà de son histoire singulière, c’est bien pour dire le « rarement dit » que je devais témoigner, pour soutenir et apporter vers d’autres. Tenir bon dans la vie !
Merci Anne, Aurore et Kiraya d’avoir découvert « les mots de Lilou ». J’espère avoir la ( belle) surprise de lire vos mots lorsque vous aurez fait la connaissance de RémY. Il est bon compagnon de lecture et de route, vous pouvez croire Lilou. Il est de ces êtres qui nous font grandir et ce n’est moi qu’il faut admirer mais bien le « grand petit bonhomme » qu’il fut. Un môme curieux de tout, qui a réalisé nombre de ses rêves. Et songeait toujours aux autres.
Je vous en prie Régine, merci à vous d’avoir pris le temps de laisser un commentaire et surtout de partager avec nous un petit bout de votre histoire, qui laissera à jamais une trace dans ma mémoire et ma façon de voir les choses. Je penserai à Rémy comme « Le petit Prince » maintenant 🙂
Bel article et témoignage émouvant. Bravo.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me lire Anne 🙂
Encore une fois, une superbe chronique. Chargée d’émotion, mais comment faire autrement ? Un témoignage poignant, une lutte par amour maternelle…
Du coup, une chronique qui rend bien hommage à Rémy et à sa maman, Régine Salvat. Il faut dire que ses deux personnes méritent qu’on leur rende hommage.
Je trouve que laisser la parole à l’auteure, et donc à Mme Salvat, c’est génial. Je m’empresse de partager la chronique, le Facebook du livre, mais aussi le site de l’association. L’ensemble gagnerait à être plus connu, et comme le dit Aurore, il est dommage que la publication aie été si discrète…
Encore une fois, bravo à vous trois (Rémy, Régine Salvat, et Lilou qui nous fait découvrir ces gens merveilleux)
Je te remercie pour ton commentaire Rémi (et avec un « i » cette fois 😉 ), et aussi pour le partage que tu as fait. C’est vraiment super, cela permettra de faire connaître le roman et l’association.
C’est vraiment poignant.
J’ai déjà lu d’autres livres du même genre, c’est vraiment dommage que la sortie de celui-ci ai été si discrète.
En plus, c’est vraiment super d’avoir allié chronique et interview.
D’abord, merci d’avoir pris le temps de me lire Aurore. En effet, il a eu beaucoup moins de publicité que la plupart des livres connus de ce genre. Peut-être aussi, en plus de la cause de cette censure due aux grands noms cités, à cause du débat qu’il soulève et qui ressort immédiatement quand on voit la couverture : le droit de mourir et « l’euthanasie », qui sont des sujets très sensibles dans notre pays.
Je te remercie pour l’interview. Désormais, ce sera le format général des Chroniques de Lilou : une article et l’interview de l’auteur, et éventuellement l’avis d’un ou deux lecteurs 😉
J’ai pleuré en lisant ce témoignage. C’est tellement renversant. J’en ai des frissons.
Ce n’est pas facile ce qui vous arrives. Mais je tiens à vous faire part de ma compassion et ma sollicitude.
Super article Lilou … tu es EXTRA
Je te remercie Kiraya, autant pour le compliment que tu me fais, que pour avoir pris le temps de lire et de découvrir ce livre. J’espère que tu auras un jour l’occasion de le lire, malgré son histoire difficile, je pense qu’il vaut la peine d’être lu, justement pour voir à quel point on en retient plus les sourires que les larmes 🙂
Merci pour Régine et Rémi <3
RémY pardon, je ne voudrais pas lui enlever le « Y » qui le rendait si fier 😉