la bête

Bonjour à tous,

Comme les jours rallongent, j’ai décidé d’anticiper les chaudes journées d’été. Je vous emmène donc dans le bush australien à la découverte d’un roman d’aventure qui s’est fait désirer.

En effet, c’est en 1980 que ce roman a vu le jour sous la plume de Kenneth Cook qui l’intitula « Pig ». Il aura fallu attendre 2014 pour que les Éditions Autrement le traduisent et lui donnent son titre français « La bête ». Kenneth Cook (1929- 1987) est à la fois romancier, scénariste et dramaturge australien. Il est célèbre pour son humour détaché, son sens du récit et la folie douce qu’il distille dans ses œuvres.

Pour quels lecteurs

– Tout public

Treval est un employé du National Departement of Conservation en Australie. Il est envoyé, avec son fils Michael qui étudie la musique, dans le bush pour effectuer un travail de routine sur les animaux marrons ou féraux : des animaux domestiques retournés à l’état sauvage. Dans le même temps, une bête hors du commun est responsable de carnages inhabituels.

« Totalement noir à part une grande rayure blanche d’un côté de sa tête. Une bestiole horrible à voir, avec de putains de défenses qui devaient bien faire trente centimètres. Le cochon le plus bizarre que j’ai jamais vu »

Interpellé, Treval cherche à comprendre ce cochon qui, en plus d’avoir une taille hors norme, n’agit décidément pas comme le veut son espèce. Progressivement, ce qui devait être une simple mission comme les autres, se transforme en chasse au sanglier… À moins que ce ne soit le contraire.

Dès les premières pages, nous pénétrons dans un univers étrange où le suspense est maintenu jusqu’à la dernière phrase. Les conjonctures faites sur la psychologie de la bête extraordinaire coupent progressivement les personnages de la réalité, les enveloppant dans cette folie douce si chère à l’auteur. En tant que lectrice, je me suis laissé prendre au jeu sans réticence. Il faut dire que la citation de l’Apocalypse en guise d’introduction a de quoi interpeller.

« C’est ici la sagesse. Que celui qui a l’intelligence calcule le nombre de la bête. Car c’est un nombre d’homme, et son nombre est six cent soixante-six »

De plus, la présence du mythe du sanglier de Calydon donne à l’intrigue une nouvelle dimension quasi mythologique qui renforce son côté surréaliste. Dès lors, on a l’impression que le monstre est intouchable de par sa force, sa corpulence, ses agissements et cette aura mystérieuse qui l’entoure.

Plusieurs thèmes sont très présents dans ce roman.

D’abord, nous découvrons, grâce à Treval, que les problèmes causés par la féralisation des animaux sont liés aux vagues de colonisation de ce pays. En effet, les animaux domestiques (chiens, chats, lapins, cochons, vaches ou encore chèvres) ont été importés par les colons. Mais en retournant à l’état sauvage deux destins opposés les attendent. En effet, soit ils se retrouvent victimes d’hommes peu scrupuleux organisés en cartels qui les tuent pour les faire entrer, illégalement, dans l’industrie agro-alimentaire. Soit, ils deviennent responsables, malgré eux, de la disparition progressive de certaines espèces autochtones (en les chassant ou en mangeant leur nourriture). Ce constat dramatique prend la forme d’une réflexion plus large sur l’impact des humains sur leur propre environnement.

Ensuite, l’écologie est la thématique centrale du roman. Par elle, nous devenons progressivement familiers de la faune, la flore, du climat et des saisons de l’île. L’auteur livre ici une bataille écologique opposant l’homme à la nature avec une double volonté : protéger l’écosystème sans se laisser engloutir par lui.

Enfin, les thèmes de la famille et de l’Histoire de l’Australie sont entremêlés. Ils opposent les citadins stressés aux riches fermiers du bush baignant dans l’alcool. Les figures du père et de la mère sont plus que jamais liées dans un combat pour protéger leur famille.

Le verdict

D’entrée, je me suis attendue à une sorte de remake de la bête du Gévaudan à la sauce australienne. J’ai donc cru aux traits de caractères humains que Michael prête au cochon pour rationaliser ses massacres. Cependant, je me suis rendu compte que mon imagination était allée bien trop loin. Si j’avais été un des personnages, nul doute que j’aurais, moi aussi, cédé à la folie.

L’ambiance et l’intrigue m’ont happé de telle sorte que j’ai littéralement dévoré ce livre en un rien de temps. D’ailleurs l’absence de chapitres est sans doute un de ses atouts majeurs qui permet aux péripéties de s’enchaîner à un rythme effréné. La lecture n’est jamais interrompue et tous les ingrédients de ce roman le rendent addictif.

Que ce soit à bord d’un avion, d’une Jeep, à cheval où les pieds dans les marais cette œuvre atypique propose une immersion dans un monde qui, en une trentaine d’années, ne donne pas l’impression d’avoir pris une ride. Ou serait-ce l’auteur qui nous a légué un roman visionnaire ?

coupdecoeur