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Bonjour à tous,

Ce mois-ci, je vous présente un ouvrage qui, en son temps, a fait couler beaucoup d’encre. Il s’agit du dernier roman de Thomas Hardy avant qu’il ne se consacre à la poésie.

Thomas Hardy (Dorchester : 1840 – 1928) est un auteur britannique de l’ère Victorienne. Fils d’un maître tailleur de pierre, il décidera dès 16 ans de travailler dans l’architecture. Il est l’un des rares auteurs à avoir réussi à la fois en tant que romancier et poète. La majorité de son œuvre se déroule dans le Wessex qu’il aime particulièrement. Il a influencé D.H. Lawrence et recevra l’ordre du Mérite en 1910.

Pour comprendre cet ouvrage, il est essentiel de connaître un peu l’ère Victorienne. Le règne de Victoria (1837 – 1901) est marqué par l’apogée de la révolution industrielle au Royaume-Uni. Mais en tant que souveraine elle veut rétablir un modèle de vertu sur la monarchie. En effet, les monarques précédents étaient connus pour leur vie dissolue. Par le mariage, le couple devenait une seule personne morale. De ce fait, tous les biens des femmes revenaient à leur époux, même en cas de divorce. Ce sacrement était très important car il évitait aux femmes de sombrer dans la prostitution. Le divorce ne pouvait être prononcé qu’en cas d’adultère ou de cruauté.

Pour quels lecteurs

– Adolescents et adultes ;

– Personnes aimant les classiques ou désireuses d’en découvrir.

Jude Fawley, est un jeune homme rêveur vivant à Marygreen avec son oncle et sa tante. À la suite du départ de son maître d’école, Mr Richard Phillotson, pour la grande ville de Christminster, il aspire à devenir un universitaire de cette ville. Il apprend donc le latin et le grec ancien en autodidacte tout en travaillant pour la boulangerie familiale. Un jour, il rencontre Arabella Donn, et se laisse courtiser par elle. Rapidement celle-ci lui apprend qu’elle est enceinte. Jude renonce à son rêve pour préserver la condition de celle qu’il aime et décide de l’épouser. Leur mariage bâti sur des mensonges ne durera pas et Jude apprendra, par sa tante, que la famille est sous le joug d’une malédiction qui les empêche d’être heureux une fois mariés. Avec le temps, il devient tailleur de pierre et part vivre à Christminster. Là il y rencontre Sue Bridehead, une jeune et élégante jeune femme qui n’est autre que sa cousine. Ainsi commence un long périple qui les mènera de ville en ville et de scandale en scandale.

La préface nous apprend que le roman est la seule version exhaustive de l’œuvre (publiée en premier lieu dans un magazine, comme c’était l’usage à l’époque). Elle est suivie d’un post-scriptum dans lequel l’auteur revient sur les incidents qui ont marqué la sortie du livre en Europe et outre atlantique.

Il se découpe en six parties, titrées du nom de la ville où se déroule l’action et introduites par une citation. La première vient du prêtre juif Esdras et est particulièrement intéressante car elle donne d’emblée le ton.

« Oui, beaucoup sont ceux qui ont manqué de bon sens à cause de femmes et sont devenus leur serviteurs. Beaucoup sont aussi ceux qui ont péri, ont fauté et péché à cause de femmes… Ô vous les hommes, comment cela peut-il être sinon qu’elles doivent être fortes, voyant qu’elles sont la cause de cela ? »

Jude est le protagoniste autour de qui gravitent les autres personnages. C’est un homme charismatique et ambitieux qui espère vivre la vie dont il rêve depuis tout jeune. Mais il est aussi quelqu’un d’influençable qui n’hésite pas à se sacrifier pour les deux femmes de sa vie. En cela il est plus un Jésus Christ qu’un Judas.

Arabella est véritablement une femme de son temps. Elle accepte sa condition mais ses ambitions de grimper l’échelle sociale la pousse à manipuler les hommes afin de satisfaire ses besoins. Lorsqu’elle se retrouve sans le sou, elle se tourne naturellement vers son père et Jude. Elle restera dépendante de ces deux hommes tout au long du roman.

Richard est l’archétype du vieil homme crédule. Il admet être l’égal de sa femme (Sue) à qui il souhaite le bonheur, même s’il doit se sacrifier pour elle. Tout comme Jude, c’est un personnage un peu hors de son temps. Il n’a pas d’autorité masculine, ce qui aura de graves répercussions sur sa carrière.

Sue est une femme qui brille autant par sa beauté que son intelligence. Elle refuse d’être liée à sa condition quitte à se mettre en porte-à-faux avec ses pairs. Elle est, en apparence, une femme sérieuse qui désire vivre comme elle l’entend, mais qui ne reste pas moins fragile et innocente.

Si ce quatuor évolue en autosuffisance, il demeure lié à une société qui est pour eux un véritable fardeau. En effet, c’est le regard de celle-ci sur leur façon de vivre qui les influencera le plus. Si Arabella arrive à tirer son épingle du jeu par la manipulation, les autres restent enchaînés à leur destin.

Le verdict

Au premier abord, on sent dans ce roman dramatique une inspiration du Roméo et Juliette de Shakespeare et c’est peut-être ce qui m’a fait poursuivre ma lecture. Mais ce qui domine, par la suite est plutôt l’émergence d’une protestation féministe assumée par Sue et Jude.

Cette œuvre est littéralement truffée, du début jusqu’à la fin, d’allusions religieuses et bibliques qui offrent un second niveau de lecture tout en créant une atmosphère de plus en plus lourde. Les personnages ont pleinement conscience que la religion est primordiale pour leur vie et leur salut mais que son omniprésence la rend grotesque. En tant que lectrice agnostique, je reconnais que cet aspect a de quoi décourager.

Si vous désirez le lire, je vous recommande de choisir une version annotée car certains passages sont en latin ou en grec ancien. N’ayant pas l’habitude de lire dans ces langues, et n’ayant pas de traduction dans ma version, il a été difficile pour moi d’en connaître les tenants et aboutissants.

Certes, de tous les classiques que j’ai lus, ce n’est pas le meilleur, mais il n’en reste pas moins un bon livre qui a le mérite de proposer une réflexion existentielle toujours d’actualité.

je recommande