Deux auteurs m’appellent au secours pour un problème similaire : leur roman est bedonant, gidouillard, ventripotent, obèse !

Un roman qui déborde 400 pages est plus long à corriger, coûte plus cher à imprimer, fatigue la Poste… Un éditeur y regardera à deux fois avant de prendre le risque, surtout si c’est une première.

Mais d’abord, question cruciale : l’histoire est-elle en bonne santé ?

En effet, l’abondance de pages peut être le symptôme d’un épanchement d’auteur.

Cette tendance peut entraîner

  • des surcharges descriptives,
  • du diabète émotionnel
  • et même l’arthrose narrative…

Voici quelques soins généraux.

Attention cependant, tout traitement demande de la prudence et doit être précédé d’un diagnostic précis.

Renforcez le squelette

Pour porter un roman de 400 pages ou plus, il faut une structure à toute épreuve et une forme olympique !

Si vous n’avez pas fait ce travail, une radio s’impose, pour vérifier l’état du squelette : l’intrigue, la colonne vertébrale de votre roman, doit être arquée et en tension. Chaque vertèbre s’articule correctement l’une par rapport à l’autre pour permettre le mouvement général.

La radiographie de votre histoire, c’est votre synopsis de travail. Un résumé technique en une page qui met en valeur l’unité de votre roman et ses articulations.

Vérifiez le tonus musculaire

Vérifiez également la santé de chaque partie, sa dynamique, son émotion principale. Les mouvements contradictoires, oppositions d’émotions, doivent se répondre sans se crisper, ni s’annihiler.

Par exemple, si je veux montrer à la fois la peur et la colère de mon personnage, il faudra donner leur place à chacune, même si c’est en alternance, permettre à chacune de monter progressivement. Parfois une ou deux phrases suffiront. Parfois il faudra plus. C’est à vous de sentir.

Se poser la question de l’émotion principale (de la partie étudiée) permet souvent de repérer s’il y a carence.

Si c’est un « flou artistique » méfiez-vous-en comme du cancer !

Rythme cardiaque

Le rythme n’est pas une constante, il évolue naturellement avec les besoins dynamiques.

Plusieurs se télescopent : un large, comme la houle, de chapitres en chapitres ; et d’autres vagues plus serrées, à l’échelle de la scène. Et enfin aux paragraphes et aux phrases.  Il ne me semble pas opportun d’ajouter d’autres niveaux intermédiaires, sauf, justement, en cas de roman à rallonge (ou en cas de série).

Plus il y en a, plus c’est difficile à maîtriser et plus le synopsis de travail est nécessaire. Il faudra bien découper vos parties en sous-parties… et ainsi jusqu’à la scène. Chaque partie fera évoluer le rythme à son niveau. Et les sous-niveaux pourront être plus ou moins indépendants.

Par exemple, dans une grande partie où l’action fait monter la pression avec un rythme plus rapide que les autres parties du même niveau, vous pouvez choisir une narration ample. Cela amplifiera l’impression de profondeur, avec une histoire lente à première vue, mais où les retournements soulèveront les tripes comme des montagnes russes.

Inversement, un rythme général large peut être soutenu par une narration trépidante. Vous pouvez aussi choisir un rythme général à période courte, poussé à l’extrême par des sous-parties à haute fréquence.

Et si vous avez besoin d’une séquence léthargique (pas trop longue quand même… pensez à votre lecteur), injectez une dose méditative avec quelques gélules de contemplation descriptive ou de phrases à douce et longue langueur.

Opération chirurgicale

Ah ! Je suis contre la liposuccion.

Sur le corps humain, je veux dire.

En revanche, sur votre premier jet, ne vous privez pas !

Surtout si votre tendance est à la logorrhée, à la débauche scénaristique, à l’incontinence narrative, à la verbosité précieuse et alambiquée… bref, si vous en tartinez des tonnes sur les deux faces de la biscotte.

Oui. Facile à dire…

Regarder votre roman droit dans les yeux dans toute son imperfection, et de vous retenir de le jeter par la fenêtre… cela demande du courage.

Mais c’est pour le meilleur.

Là où le rythme nuit à votre histoire et que l’action traîne inutilement, tranchez dans le vif, récupérez tout ce qui est sauvable et jetez le reste.

Si la partie entière en sort bancale, pas de panique. Les éléments sains pourront peut-être réintégrés ailleurs. Ou alimenter une autre histoire.
Au boulot !
Eric