bellwether

Bonjour à tous,

Pour démarrer la nouvelle année scolaire, je vous invite au campus du King’s College, sur les traces d’un jeune auteur anglais très prometteur.

Né en 1981, Benjamin Wood quitte sa terre natale pour étudier à la University of British Columbia au Canada. Là, il est nommé rédacteur en chef du journal littéraire International Prism. En 2012, il signe son premier roman The Bellwether revivals qui sortira en France en 2014 aux Éditions Zulma et raflera le prix FNAC au passage. Actuellement, il enseigne la fiction et l’écriture créatrice à Birkbeck. Déjà acclamé par la critique, The Ecliptic, son second roman sortira chez nous en 2017 chez Robert Laffont.

Pour quels lecteurs

– Tout public ;

– Passionnés de psychologie et médecines alternatives ;

– Mélomanes et personnes désirant écrire sur la musique.

Tout commence sur un campus de Cambridge. Oscar, aide soignant à Cedarbrook, une maison de retraite, rentre du travail lorsqu’il entend l’orgue de la chapelle du King’s. Hypnotisé par la mélodie, il décide d’y entrer et rencontre Iris Bellwether. Eden, son frère, et elle sont étudiants et vivent en retrait de l’effervescence de la vie universitaire avec leurs amis Yin, Marcus et Jane. Avec la complicité d’Oscar et du Dr Crest, Iris entend prouver qu’Eden souffre d’un trouble psychiatrique.

Ici, les noms des personnages ont tous leur importance, et je vais me focaliser, en priorité, sur le plus récurrent : « Bellwether ». Il vient de « bell » (cloche en anglais) et de la distorsion du verbe « to weather » signifiant « se détériorer à l’usage ». La cloche, à la fois, instrument et emblème de la croyance religieuse se trouve ici altérée, voire pervertie.

Le père, Theo, chirurgien à la retraite, a fait fortune dans la robotique chirurgicale. Il brille par son absence autant que par son imposante autorité. Quoi qu’il arrive, il garde le contrôle, grâce à ses connaissances et l’argent. En cela, il est, avec sa femme Ruth, aux antipodes de la famille d’Oscar.

Iris, délicate et fragile entourée d’une odeur de clous de girofles, porte un prénom à double sens. En tant que fleur, elle symbolise la pureté et la protection. Dans la mythologie, elle est la messagère de Zeus et Héra (se référant à ses parents). Elle joue précisément sur ces deux tableaux tout au long de l’intrigue.

Eden, organiste et fervent admirateur de Johann Mattheson, exerce sur la joyeuse troupe un pouvoir particulier mêlant séduction et tyrannie lui conférant un rôle de leader. Il représente le Jardin de la Genèse, première création de Dieu, à la fois considérée comme un paradis et une prison dorée. En se croyant tout-puissant, il s’enchaîne irrémédiablement à son destin.

Enfin, Oscar Lowe, issu d’une famille d’ouvriers pour qui les études ne sont qu’une perte de temps, possède un rôle clé. Son nom, proche de « low » (bas en anglais), renvoie directement à sa classe sociale tandis que son prénom signifie en vieil anglais « lance divine ». Tiraillé entre qui il est et ce à quoi il aspire secrètement, il endosse le double rôle de protagoniste et d’alter ego d’Eden.

Le roman aborde trois grandes thématiques étroitement liées :

La musique baroque, ô combien omniprésente, teinte l’ambiance. Le groupe est la reconstitution d’un orchestre de chambre au centre duquel trône l’orgue dans toute sa majestuosité. Eden l’utilise pour démontrer les vertus médicales de la musicothérapie et de l’hypnose. Son point fort est de parvenir à composer des descriptions sans termes techniques de façon à ce que seuls nos sentiments et sensations nous transportent. Voyez plutôt.

« Alors qu’il s’apprêtait à rouvrir les yeux, la mélodie du clavicorde brisa le silence. Le genre de sonorité qui vous saisissait, sèche mais douce, légère mais pure, et la musique retomba en cascade autour de lui comme de la neige. Un air d’abord lent et mélancolique qui le relaxa. Note après note, il sentait son corps se détendre. »

La médecine, incarnée par le père et son éducation contre qui il rentre en conflit direct, matérialise tout ce son fils rejette. Il lutte pour s’affranchir de son joug implicite et préfère prendre la tangente. De par ses études, Iris, reprend le flambeau, selon le principe de répétition-variation.

La psychiatrie, personnifiée par le Dr Herbert Crest, se trouve prise en étau entre les deux autres. En acceptant de se plier au « traitement » d’Eden, il s’oppose à l’esprit cartésien nécessaire à la médecine. Bien que centrale, cette discipline se doit de rester marginale, victime des préjugés de Theo qui préfère fermer les yeux. Grâce à elle, nous explorons la personnalité narcissique dans toute sa complexité.

Côté style et organisation, ce roman en trois parties, nommées respectivement « premiers jours », « derniers jours » et « jours à venir », débute par un prélude dévoilant une partie de la fin. Ceci a l’avantage de fixer une atmosphère sans tout raconter. Ainsi, les derniers chapitres gardent leur panache face à une chute inéluctable.

La grande nouveauté réside, pour moi, dans les titres des chapitres qui ont leur propre fonctionnement. Loin d’en faire un résumé, chacun d’entre eux sont des morceaux de phrases voire un seul mot clé se trouvant dans la narration. Ainsi démarre une sorte de jeu de piste, parallèle à la lecture sans spoiler l’intrigue. Voici un petit florilège de mes préférés pour la route.

« ibidem », « épouse des ci-dessus », « l’ordre légitime des choses » et « une lumière s’éteint dans l’ancienne chapelle ».

Le verdict

Benjamin Wood m’a entraîné sans difficulté dans son univers poétique teinté d’architecture gothique à l’atmosphère ésotérique. Le sujet, sérieux, technique et très bien documenté, ne souffre d’aucune lourdeur. Les variations rythmiques dynamisent la narration et donnent une réelle envie de poursuivre.

La note de l’auteur et les remerciements apportent de précieuses informations dévoilant, en filigrane, les coulisses de la réalisation du best-seller. Ceci est à mes yeux, un grand point fort, puisque j’étais tentée de vérifier certaines informations, présentées comme des faits réels. L’auteur dresse lui-même la liste des ouvrages et articles dont il s’est servi, quitte à les modifier pour « répondre aux exigences du roman ». Ce souci du détail confère une crédibilité supplémentaire.

Ici, à travers le motif de la spirale infernale, nous vivons un véritable choc des cultures doublé qu’un combat idéologique où l’important n’est pas tant qui remporte la victoire que l’espoir qu’il nous inspire.

Pour information, les droits du livre ont été vendus à NOHO films qui collaborera avec BBC Films sur une adaptation signée David Eldridge.

Le seul bémol concerne les nombreuses coquilles graves. Ainsi, « derrière moi » s’est transformé en « dernière moi », une interrogation a débuté par « comme » au lieu de « comment » et à un moment, des mots se sont volatilisés. Gênant la lecture par moments, une réédition serait la bienvenue histoire de supprimer ces désagréments.

Allez, on se console en attendant avec le site de l’auteur : http://www.benjamin-wood.com/

coupdecoeur