— Gaëlle ?
— …
— Gaëlle ?
— …
— Houhou, la Lune, ici la Terre !
— …
— Vous me recevez ? Répondez, ici la Terre !
— Hein ?
— Eh ben, tu étais partie loin…
— Euh, salut, Magali. Je ne t’avais pas vue !
— Ni entendue apparemment…
— J’étais dans les nuages…
— Mouais, tu avais dépassé la troposphère depuis un moment…
— C’est vrai, je m’envolais vers la thermosphère…
— N’empêche, c’est vrai que ça fait vraiment rêver l’espace : voyager à travers la galaxie, découvrir d’autres mondes et peut-être leurs habitants !
— C’est vrai que la science-fiction permet d’imaginer des histoires sans limites…
— D’ailleurs, certains auteurs ont pu être un peu visionnaires…
— Et nos scribouillards peuvent l’être aussi, j’ai bien envie de leur proposer de nous raconter une nuit dans l’espace !
— Excellente idée, il y a matière à suspendre… pardon, surprendre !
— C’est parti ! Vers l’infini et au-delà !
Gaëlle lève le poing en l’air ! Magali rit !
— Tu voudrais aller où si tu pouvais embarquer dans une fusée ?
— Moi, eh bien, je ne suis pas très original, mais j’irais bien sur la Lune justement !
— Ah oui, pourquoi ?
— Je ne sais pas, elle me fascine, surtout en ce moment avec ces Super Lunes, et puis les éclipses, je trouve ça tellement beau !
— C’est vrai, mais que dire des étoiles et des constellations !
Elles soupirent et s’installent à la fenêtre pour contempler la voûte céleste.
VOYAGE,VOYAGE
Raymond ferma son PC avec exaspération.
Ainsi donc, il avait raison. Et d’autres personnes sensées l’approuvaient. Jamais un homme n’avait mis le pied sur la Lune ; Tout cela n’était qu’un complot.
Il eût un reniflement de mépris en pensant à son père qui lui avait raconté son émerveillement, une nuit de juillet.
Il eût envie de rire. Une telle fumisterie pouvait marcher avec un gamin de 14 ans de la fin des années soixante mais pas avec lui adulte conscient du 21 ème siècle.
Il sortît dans le jardin. Il faisait déjà nuit noire. Le ciel était clair et les milliers d’étoiles parsemaient les ténèbres.
Raymond eût tout à coup une drôle de pensée- un souvenir-, celui d’une fête de noël , lorsqu’il était plus jeune ou pour figurer une nuit magique, un hurluberlu s’était amusée à projeter la lumière de petites lampes de couleurs diverses a travers les trous d’un tissu noir.
L’effet avait arraché à l’assistance des « oh » !émerveillés.
«De vrais gosses ! » pensa Raymond avec mépris. Et le pire c’est qu’il en faisait partie à l’époque.
Il leva le nez . Tout çà n’était qu’une fumisterie. Il ferait mieux de rentrer. Il y avait une petite brume autour de lui.
Mais non, le ciel était encore clair au-dessus de lui. Il pouvait même voir les anneaux de Saturne et les océans de Jupi…
Hé là une minute, ce n’était pas possible, il n’avait pas de télescope.
Et pourtant il les voyait là les anneaux.
C’était en fait il en était sidéré des milliers de petits cailloux qui tournaient sans trêve autour de la planète.
Et juste à coté, il voyait Jupiter et les taches vertes, oranges ou jaunes de ces océans .
Il lui semblait avoir lu que ce n’était de l’ammoniac ou autre chose. Mais tout ce qu’il voyait c’était que c’était beau. Et la-bas au loin,il pouvait contempler Uranus et sa masse verte ou jaune.
Et au-delà de l’éternité, ce seraient Neptune, Pluton et puis, et puis…
Non pas le vide, non pas la noirceur ;, mais tout cela et bien plus encore, les noms d’Aldebaran, de Cassiopée, d’andromède et de Magellan, promesses de merveilles et aussi de cauchemars pour tous les conquistadors à venir, héros de space-opera à venir et de voyages sans fin.
Il y aurait bien des vagabonds parmi les étoiles qui pourraient conter les roches bleues de Venus, les sables violets de Falun et toujours ce vertige qui prendraient les voyageurs dans les espaces sombres et lumineux de toutes les galaxies et constellations des temps passées et à venir.
Soudain ,il sentît comme une secousse qui le ramenait vers l’arrière. Il abandonna à regret les rouges de Mars et les roches grises de la vieille Lune et posa les yeux sur quelqu’un (Sylvie?) qui lui hurlait presque à l’oreille.
– Eh bien qu’est ce que tu fais ? Tu dors ou tu rêves.
Il la regarda,légèrement ahuri ;
La brume avait disparue et la nuit était toujours aussi belle.
Il prît sa femme par la taille, l’embrassa sur la joue et d’un geste lui montra les étoiles.
– Non, j’étais parti en voyage. Ça te dit de venir avec moi ?
Il y a quelques années, lors d’un trekking avec des dromadaires dans le sud du Sahara marocain, j’ai été captivée par la voute céleste. Lorsque je suis rentrée et que mes enfants m’ont questionné, nous nous sommes installés dans la chambre du plus jeune de mes fils, dans le noir et je leur ai raconté :
– » Imaginez-vous en pleine nuit, dans le désert, installés sur des tapis berbères, le dos calé contre les selles en cuir des dromadaires et simplement éclairés par des bougies. La lumière jaune, timide vacillant au gré du souffle chaud du soir, l’odeur forte du cuir tanné, les bruits des animaux du désert. Presque allongés et les yeux levés vers le ciel .. nous entrons dans un autre monde.
– Corentin 6 ans : » Maman, tu n’as pas peur dehors dans la nuit. Et qu’est-ce-que tu vois ? »
– Je réponds : » Non, mon garçon, je n’ai pas peur. La luminosité est telle que je suis rassurée. Je suis happée par l’immensité et la profondeur du ciel bleu-nuit . Il se confond avec l’horizon formant comme une bulle dans laquelle je suis englobée, comme toi, tu te souviens de ton globe lumineux qui tournait dans ta chambre et qui imprimait des étoiles au plafond ? « . C’est la même chose mais en vrai.
Corentin allume son globe lumineux et nous voyons tourner des étoiles colorées au plafond et sur les murs de la chambre.
» Comme ça, maman ? »
» Oui, mon garçon »
– Marco 12 ans : » As-tu vu beaucoup d’étoiles ? »
– Je réponds : » Le ciel est constellé, d’étoiles. Il y en a des milliers partout quel que soit l’endroit où tu regardes. Elles sont petites, moyennes et grosses. Elles sont plus ou moins lointaines ou brillantes. Elles semblent flotter, bouger, se rejoindre et s’enfuir. Les étoiles filantes sont si nombreuses qu’on croirait des vaisseaux spatiaux se croisant dans la voie lactée. C’est un réel spectacle, fascinant. On ne peut pas baisser les yeux tellement l’espace est attirant « .
– Corentin : » As-tu vu la petite et la grande casserole, Cassiopée, des animaux, des martiens ? »
– Je réponds : » Oui, tout. Les berbères nous montre les constellations. Ils connaissent toutes les étoiles. Je peux presque toucher le ciel et les relier entre elles avec le doigt. J’ai même fait un vœu ».
– Marco : » La chance ! Et moi qui trouvait le planétarium Jules Verne, ringard »
– Corentin : » Tu vois, Marco, si ça se trouve, maman sans le savoir a vu des martiens et ils lui ont fait « coucou » de leurs engin spatial « .
Nous sommes restés là, un moment à rêver, dans le noir, bercés par le bruissement du globe d’où jaillissaient une multitude d’étoiles. Moi, me remémorant cet instant magique, Corentin et Marco rêvant peut-être de l’espace et de petits hommes verts.
Un moment de pure communion de deux fils et d’une maman.
Merci pour cette parenthèse de vie, Véronique. J’apprécie beaucoup les descriptions, on s’y croirait ! Par contre, il faudra que tu revois les dialogues (on précise qui parle dans une incise, en général). Au plaisir de te lire dans un autre jeu !
Wouaw ! Bravo, Joël ! J’adore cette histoire, c’est à la fois poétique et philosophique. La chute est excellente. Merci beaucoup pour ce partage.
Quand la nuit tombera, je penserai à ton texte et je me visualiserai dans l’espace.
J’ai toujours rêvé d’aller dans l’espace, depuis tout petit.
Il y a bien eu ces jouets avec lesquels je m’imaginais quitter,
voir même sauver la terre, mais ce dont je me souviendrais toujours,
c’est ce que mon père me racontait.
-Alors tu rêves encore de partir dans l’espace mon grand ?
Regardes ce ciel, tu vois ces étoiles ?
On passait des heures à regarder ensemble le ciel à travers la fenêtre,
allongé sur le lit sans rien dire.
-Certaines sont des soleils, des lunes, et d’autres des planètes !
Et tu te souviens de ce qu’ils forment ensemble ?
-Une galaxie ?
-Exacte, une galaxie dans un univers sans limite. Tu te rend comptes ?
Aucune limite.
-C’est très grand alors ?
-Oui vraiment très grand.
-Et ba moi un jour je partirai dans l’espace et j’irai voir toutes les autres planêtes.
-Un jour peut être oui !
-Mais j’aimerai tellement y aller tout de suite. Tu sais je n’ai plus peur du noir,
je n’aurai pas peur dans l’espace moi.
-J’en suis sur.
Puis un jour après un long moment de silence . . .
-Dis papa, la terre c’est bien une planète ?
-Oui bonhomme, pourquoi cette question ?
-Et ba alors dans l’espace, on y est pas déjà ?
Je me souviens du sourire qu’il faisait en me regardant quand je lui ai dit ces mots !
Je ne devais pas avoir beaucoup plus de cinq ou six ans.
J’avais alors pris conscience d’une chose que nombre de personnes ignorent jours après jours.
J’étais conscient de notre insignifiance en temps qu’être humain,
et de la dimension démesurée de notre univers,
que tout était si loin et pourtant si proche.
Et le fait d’être conscient d’une telle chose, change votre regard sur le monde et sur votre vie.
Cela vous donne parfois un courage insoupçonné de continuer à vivre votre vie du mieux que vous pouvez,
parce qu’au fond vous savez que vous faites partie de quelque chose de bien plus grand,
que tout ces rêves fous que vous faites, que vous imaginez, ils existent,
ils sont là, et vous en faites partie.
Et depuis, je garde en permanence cette idée à l’esprit, celle que vous, moi, tous,
toutes ces nuits nous ne les passons pas seulement dans notre lit.
Non.
Nous les passons toutes dans l’espaces.
Wahou ! ça m’a bouleversé, c’est une magnifique histoire ! Merci pour ce moment !