Les auteurs ont parfois peur de l’engagement et en souffrent dans leur écriture.

Ce mal déborde largement l’écriture : les politiques retournent leur veste plus vite que leur ombre (en France, nous cultivons les girouettes… et cette année la récolte est particulièrement abondante), les divorces s’envisagent dès le mariage, et dans notre monde de consommation, les cartes de fidélité semblent les derniers vestiges de constance.

Plusieurs symptômes peuvent le manifester dans l’écriture : noyade dans des milliers d’idées, insatisfaction chronique, projet interminable ou inversement précipitation dans l’édition « à tout prix » (surtout le plus cher), procrastination, triste abandon…

Leur problème réside dans une faculté essentielle, qui leur permettrait d’écrire dans la durée et de sortir leur livre dans un temps raisonnable.

Cet élément fonde votre constance.

Mieux.

Il est au cœur le plus intime de votre humanité.

Cette faculté, c’est votre liberté.

 

On a souvent une idée faussée de la liberté.

On croit qu’elle se nourrit d’options, de choix possibles.

Et qu’elle dépérit dans la contrainte…

 

Rien n’est plus faux.

 

C’est même le contraire !

Les limites canalisent votre liberté.

C’est valable en créativité, mais aussi pour l’ensemble de la vie.

 

Pour vous épanouir, vous devez accepter vos limites pour vous élever, pour vous concentrer, pour vous améliorer.

A commencer par la plus mystérieuse des limites : votre propre mort. Oui, votre temps sur cette terre est limité et les secondes qui coulent ne reviendront plus.

Peut-être cette pensée vous effraye-t-elle ?

Dans ce cas, utilisez cette peur pour vous secouer, pour vous réveiller vraiment.

 

Pour vous rassurer, je pourrais vous prouver que l’âme est immortelle — Aristote l’a déjà fait avant moi et sa démonstration magistrale est certaine et personne tout au long des millénaires de philosophie n’a pu réellement la remettre en cause… mais ce n’est pas le sujet de cette Lettre du Dimanche.

Et puis, même si l’âme est immortelle, c’est dans cette vie que se déploie votre liberté.

 

Alors regardez autrement le temps qu’il vous reste.

Cette limite, ultime, terrifiante et désespérante au premier abord, vous recentre sur l’essentiel, sur ce que vous vivez maintenant.

Et il y a urgence d’y rester.

 

Car une fois qu’on se rend compte de sa première limite, il est encore très tentant de retomber dans la fausse conception de la liberté : « puisque mon temps est limité, je veux faire un max de trucs ! Faire des voyages dans tous les sens, vivre des sensations fortes ! PRO-FI-TER ! »

 

Oui… En réalité, c’est encore une impasse. Une fuite en avant pour mieux oublier.

 

Car la liberté ne se nourrit pas d’options, de multiples possibles.

Elle se bâtit par vos CHOIX.

Choisir, c’est s’orienter fermement. C’est se décider et accepter avec gratitude.

 

Si vous ne voulez pas tourner en rond, il faut tenir le cap !

Oui, parfois c’est difficile.
Et parfois, on peut se tromper.

Et c’est pour cela qu’il faut éclairer ses choix le mieux possible avant de se déterminer.

 

Certains choix, rares dans une vie, engagent toute la liberté.

Le mariage, par exemple.

Cette limite d’options (on ne choisit qu’une personne à laquelle on se donne entièrement pour la vie… et donc on refuse les 3 autres milliards de possibles), cette limite, donc, ne veut pas dire qu’on épuise sa liberté, au contraire.

On mobilise toute sa puissance.

C’est pour ça aussi que le divorce est un échec profond et douloureux, même quand il se passe « pacifiquement ».

On reconnaît par-là que ce choix « pour la vie » n’en était pas un :

  • soit que ce choix n’était pas libre (ce qui peut arriver, par manque de maturité, par une certaine inconscience, ou par manque d’informations sur l’autre) ;
  • soit que ce choix était un mensonge (mais ça revient à la première option) ;
  • soit que le divorce est une aliénation (celui qui avait posé le choix de se donner complètement nie sa propre liberté).

Remarquez, je ne parle pas de mariage religieux, mais bien de mariage profane. Et je ne condamne pas ceux qui tombent. Je compatis, plutôt. Beaucoup de « mariés » s’engagent sur une relation seulement amoureuse, comme un flirt adolescent. Et quand viennent les difficultés et que le plaisir immédiat s’évapore…

Au contraire, un mariage épanoui ne se fonde pas sur le seul plaisir d’être ensemble. Il se fonde avant tout sur un choix fort, éclairé et absolu, de cet autre qui fait le même choix réciproque. Et il se renouvelle tous les jours, se fortifie avec les années.

 

Ce choix définitif, c’est aussi celui des amis vertueux. Car la fidélité est le seul chemin qui permette d’être pleinement heureux, malgré les tempêtes, les tremblements de terre et les trahisons.

L’engagement de l’écriture est moindre, bien sûr. Il est bien moins grave d’arrêter un roman en cours que de divorcer. C’est sans commune mesure, puisque le choix n’est pas « pour la vie » mais « pour un projet qui doit finir ».

Pourtant, considérer l’extrême met en lumière l’intermédiaire.

 

Car dans l’art, il est bien aussi question de choix.

L’un des premiers à poser, c’est celui de son sujet : « Que voulez-vous écrire ? ».

Il serait imprudent de vous lancer dans une histoire de plusieurs centaines de pages — et de nombreux mois de travail — sans avoir une idée forte sur laquelle vous fixer.

 

Cette première étape est cruciale pour tenir dans la durée. Ne vous lancez pas trop vite, sous peine de vous retrouver un jour le ventre vide, à souffle court, dans un désert sans issue.

 

Prenez le temps de creuser votre idée et formalisez-la dans un pitch de travail.

Le pitch, c’est la graine de votre histoire.

Une phrase ou deux pour la contenir en puissance.

Autrement dit, ce n’est pas une étape à prendre à la légère.

 

Evidemment, si vous avez déjà des scènes très précises, des rebondissements savoureux, des personnages haut en couleur, vous allez ressentir un peu de frustration en cherchant à les fondre en une phrase, car ils disparaîtront sans doute. Vous pouvez toujours poser ces paragraphes, voire en faire de courtes nouvelles, si votre plume vous démange. Vous les garderez au frais pour la suite.

 

Une fois que vous vous remettrez à votre pitch, vous travaillerez en cherchant le principe qui les embrasse et qui les guide.

 

Une fois que votre première formulation est posée, prenez du recul et choisissez-le en toute conscience. Engagez-vous à développer CE roman, contenu en germe.

Encore une fois, ne prenez pas ce processus à la légère.

Ce n’est pas un simple rituel, c’est un acte de votre propre liberté d’auteur.

 

Ensuite, seulement, vous pourrez commencer à construire votre synopsis de travail.

Là encore, il s’agit d’une formalisation de votre histoire ENTIÈRE, la croissance naturelle de votre pitch.

Bien sûr, dans la formation Structurez votre roman, je montre des outils précis pour le faire. Mais même sans cela, vous tirerez de grands bénéfices à écrire un résumé complet de toutes les actions générales de votre histoire et leurs articulations (sur une page pas plus).

Là encore, il faudra le choisir fermement. Ce sont les fondations de votre roman : plus vous assumerez votre roman à cette étape, plus il sera stable.

 

Peut-être qu’au cours de ce processus, vous ressentirez le besoin de retoucher votre pitch.

Ne le faites qu’avec beaucoup de prudence.

Est-ce une simple précision ? Ou bien est-ce la tentation de raconter une autre histoire qui vous paraît plus intéressante ? Qu’est-ce qui motive le désir de changement ?

Il ne s’agit pas d’être rigide. L’engagement dans le pitch doit être suffisamment fort pour vous faire passer ce genre d’épreuve, mais il ne s’agit pas de passer à côté d’une idée puissante. C’est à vous de jauger, selon votre âme d’auteur, si ce détournement en vaut la peine.

Parfois, en parler à un auteur expérimenté peut aider à prendre du recul.

 

Quoi qu’il en soit, apprenez la liberté.

 

Votre vie d’auteur en dépend.

AU BOULOT !

Eric