grâce adieu

Bonjour à tous,

Ce mois-ci, je me suis intéressée au recueil de nouvelles de Susanna Clarke, connue pour son roman aux multiples prix : Jonathan Strange & Mr Norrell. Une note du chapitre 45 m’a poussé à mener ma petite enquête pour en savoir plus. Très emballée par sa plume et son univers, je vous emmène donc à la découverte de ses huit nouvelles, dernières œuvres de fiction publiées. Elles sont rassemblées dans le recueil Les dames de Grâce Adieu. Sorti depuis 2006, la version française publiée par Robert Laffont s’est fait attendre jusqu’en 2012.

Pour quels lecteurs :

– Tout public ;

– Amateurs de contes et nouvelles ;

– Inconditionnels de fantasy.

Je vais maintenant laisser la parole au Professeur James Sutherland, directeur des études sidhe* à l’université d’Aberdeen.

« J’ai abordé ce recueil en ayant à l’esprit deux très modestes objectifs. Le premier est de mettre en lumière la généalogie de la magie dans les îles Britanniques à différentes époques ; le second est d’initier le lecteur à quelques-uns des moyens par lesquels la féerie peut empiéter sur notre monde quotidien, en d’autres mots de créer une sorte de toile de fond aux fées et à la féerie. »

En effet, contrairement à un recueil dit « classique », celui-ci est introduit par un universitaire. Il y donne une vue d’ensemble alléchante et sort ces œuvres d’un cadre purement fictif. Ceci a modifié mon approche vis-à-vis de ce livre.

Fidèle à elle-même, Susanna Clarke utilise à nouveau la campagne anglaise comme décor. Des endroits reculés, le mauvais temps et surtout beaucoup de verdure lui confèrent un double aspect : bucolique et inquiétant.

Ainsi, dans « Les dames de Grâce Adieu » on retrouve Mr et Mrs Strange face à trois magnifiques créatures. Les codes du roman sont bien là, et pour cause, cette histoire inédite se situe en parallèle de la trame principale. On ne pouvait pas rêver meilleure mise en bouche.

« Sur la colline gourmande » revisite le célébrissime conte des frères Grimm : Rumplestiltskin. Ici, si le cadre change radicalement, le principal y est. La forme sert le fond jusque dans les récurrentes fautes d’orthographe traduisant le parler rudimentaire de la protagoniste.

La frontière entre l’amour et la folie offre un cadre propice au surnaturel. C’est dans cette brèche que s’engouffre « Mrs Mabb » avec ses nombreuses péripéties. D’ailleurs on peut penser que la magie s’apparente à une forme d’hallucination car elle n’est révélée qu’à Venetia, voulant désespérément arracher son futur mari des griffes de Mrs Mabb.

Comparable à beaucoup de nouvelles courtes, « Le Duc de Wellington égare son cheval », ne déroge pas à la règle. Sous sa simplicité apparente, la trame se révèle très efficace. Cette fois-ci, le merveilleux se met au service du Duc pour l’aider à déjouer un coup du sort.

« Mr Simonelli ou Le Veuf-fée » nous plonge dans une partie du journal intime de l’écrivain du même nom. Bien que très romancé, cet extrait s’avère palpitant et nous donne à réfléchir sur les rapports que pourraient entretenir les humains avec les êtres surnaturels.

« Tom Brightwind ou comment un pont féerique fut construit à Thoresby » peut être vu comme l’épitomé du recueil. Également introduite par le Professeur James Sutherland, elle possède une structure enchâssée mêlant deux trames distinctes : un conflit entre Tom et ses filles ainsi que le voyage pour Thoresby. L’ensemble, accompagné de nombreuses notes de bas de page la rend comparable à une étude sur la vie des fées. Voyez plutôt :

« Lorsqu’elle est lue avec une attention spécifique, elle dévoile énormément de faits sur cette race énigmatique et se révèle particulièrement instructive sur les relations tumultueuses qu’entretiennent ces êtres avec leurs enfants. » (N.D.L.C)

En tant que réécriture historique, « Grotesques et frettes », retrace les tentatives infructueuses de Marie la Sanglante pour tuer sa sœur, la Reine Elizabeth I dans le but de prendre sa place.

Enfin, « John Uskglass et le Charbonnier du comté de Cumbria » redonne le pouvoir à l’homme qui, mit face à une situation sans issue, dispose d’une arme insoupçonnée pour rivaliser avec le Roi Corbeau : un saint, à condition que ce soit le bon.

Le verdict

Si un recueil doit se former selon un fil conducteur, ils sont ici deux : le cadre, déjà mentionné plus haut et un être féerique, souvent connoté négativement même lorsqu’il ne s’agit pas d’un « méchant ».

En déclinant les récits en quatre catégories (conte, réécriture, extrait de journal et étude anthropologique), l’auteure s’inscrit dans le schéma de répétition-variation. Ce qui a pour effet d’éviter toute lassitude. Happée par son univers, je les ai enchaînés avec un enthousiasme quasi juvénile.

Second atout : son style familial. En effet, il constitue une lecture facile, accessible à tout âge, et les plus jeunes (comme les moins) pourront s’identifier à au moins un personnage. Implicites, les morales y fourmillent, de quoi raviver des souvenirs latents.

Pour moi, son dernier point fort se situe au niveau de la mise en scène de personnalités historiques. Cette utilisation permet d’appréhender l’Histoire de l’Angleterre sous un angle nouveau, plus léger. Même un novice ne se sentirait pas perdu car tout est explicité. Ainsi, l’Histoire sert l’histoire dans une union à la fois crédible et cohérente.

Mon seul conseil sera de vous inviter à le lire, de préférence après le best-seller, surtout pour la première nouvelle. Si vous cherchez un cadeau sympa pour Noël, pensez-y !

*Le mot « sidhe » désigne une créature de la mythologie et du folklore irlandais et écossais, issues du Sidh (l’Autre Monde).

je recommande chaudement