L’un de vos romans contiendra peut-être de ces dialogues particuliers, où les échanges sont différés parce qu’ils se font par lettres interposées, ou par tout autre moyen qui fait attendre la réponse.

  • – C’est un outil très puissant qui intrigue le lecteur et qui génère des tensions saisissantes
  • – C’est une mise en abîme (l’écrivain raconte l’histoire d’un écrivain…)
  • – Une bouteille à la mer, un message dans un ballon gonflé à l’hélium, un message sur un mur, un tatouage sur son propre corps pour mieux se souvenir… le voyage du message lui-même est un périple qui ouvre à une infinité d’histoires

Bouteille à la mer

Le roman épistolaire est une forme pure de ce type de dialogue : il instaure un climat très particulier, hyper-réaliste, comme si le lecteur trouvait lui-même les lettres et s’invitait dans le secret d’un couple, d’un groupe, ou d’un journal intime. Le narrateur disparaît entièrement, il met le lecteur en contact direct avec le dialogue différé.

Bien entendu, vous pouvez utiliser cet outil partiellement pour un passage de votre histoire : par exemple, votre personnage trouve une liasse de lettre et découvre avec votre lecteur la correspondance – vous pouvez même présenter ces lettres directement, entre deux chapitres.

Ou encore, un échange écrit entre deux personnages peut ponctuer l’action sans qu’il soit lu d’une traite (par exemple, un détective écrit à un collègue, qui lui répond quand l’enquête est déjà bien avancée, etc.).

Et c’est un outil très large, car vous n’êtes pas limité à l’usage des lettres.

Le nouveau roman épistolaire 2.0

À l’origine, le roman épistolaire est constitué de la compilation de lettres, plus ou moins commentées par l’auteur du recueil et de l’éditeur. Aujourd’hui, avec l’explosion des techniques de communications, le roman s’ouvre au mails, aux sms, aux forums…

IDÉE : Au lieu d’écrire un livre, vous pourriez écrire un « faux forum » dans lequel les membres ne seraient que des personnages, et où l’histoire se déroulerait au fil des messages. Seul l’auteur ferait avancer l’histoire directement (l’histoire doit être écrite avant, cf. l’avertissement plus bas). Mais rien n’empêcherait à d’autres (vrais) membres de continuer des intrigues secondaires !

Allons même plus loin : les enregistrements audios et vidéos, une fois retranscrits, peuvent être une bonne matière, tant que le principe de l’attente est respecté.

Dès que vous retardez les réponses d’un dialogue, par le temps de délivrance du message, que ce soit l’ouverture d’un mail ou d’un sms, ou de tout autre moyen de communication écrit ou enregistré (audio, vidéo, etc.) vous touchez au roman épistolaire. Évidemment, dans le cas de l’audio et de la vidéo, elles seront retranscrites.

Comment écrire votre roman épistolaire

1. Prérequis

Vous serez peut-être tenté de vous lancer directement dans l’écriture d’une série de lettre, en vous mettant à la place de ses personnages, en découvrant avec eux les réponses.

CONSTRUISEZ votre histoire AVANT d’écrire les lettres.

Plus encore que les autres formes de roman, l’auteur doit construire son histoire avant de la raconter par ses lettres. C’est LE prérequis indispensable avant de se lancer dans l’aventure.

2. Donnez le rythme

Il vaut mieux que les lettres ne servent pas seulement d’excuse pour raconter votre histoire au lecteur, mais qu’elles participent à l’action.

Le mode de communication que vous choisissez (lettre, télégramme, mails, etc.) crée un rythme, le temps que les messages arrivent à leur(s) destinataire(s).

Au XVIIe siècle, par exemple, il faut cinq jours pour aller de Paris à Marseille et faire parvenir à Madame de Grignan les plis de Madame de Sévigné.  Il se passe donc plus de dix jours avant de recevoir la réponse !

De même, le destinataire d’un mail peut ne pas le recevoir pour des raisons techniques (Spam, coupure d’Internet…).

Une lettre qui ne vient pas peut très bien entraîner des décisions importantes qui n’auraient pas été prises si la lettre était arrivée à temps.

Et prenez en compte le temps d’écriture de la lettre elle-même (qui peut prendre quelques minutes ou des semaines, voire des années pourquoi pas !).

Le rôle de la lettre fait alors partie de la construction de l’intrigue.

3. Répartissez les informations dans chaque lettre

Une fois que vous avez la structure complète, répartissez-en les grandes lignes sur une frise chronologique et découpez-la en lettres. Il y aura sans doute des lettres cruciales, que vous devrez placer à cause de la structure, et d’autres qui auront un placement plus souple. L’important est de traquer les invraisemblances, en remontant dans le temps.

L’usage de fiches cartonnées (ou virtuelles sur votre ordinateur) peut être intéressant pour vérifier la bonne répartition des informations : ce que l’épistolier sait, ce qu’il ne sait pas, et les éléments clés qu’il doit transmettre.

Notez soigneusement la finalité de chaque lettre, pour ne pas vous disperser lors de la phase suivante.

4. Écrivez à la place de l’épistolier

Le message doit être très subjectif : on doit sentir la présence du « je », son point de vue, son ressenti, ses émotions.

C’est un dialogue écrit : il s’adresse à une ou plusieurs personnes, essaie de lui faire passer un message (on écrit rarement « pour ne rien dire » ). Même si ce n’est pas une lettre rationnelle, on peut quand même parler d’argument émotionnel : l’auteur, par toutes sortes d’artifices, par son témoignage, par ses injonctions, va chercher à faire ressentir quelque chose à son lecteur (tout comme vous avec votre histoire !)

Il peut faire état des circonstances dans lesquelles la lettre est écrite.

Utilisez la ponctuation, les parenthèses, les majuscules pour mettre de l’emphase : « … de quel Désir je Vous brûle… »

Une lettre sera mieux présentée qu’un courrier électronique, avec une ouverture (Chère amie ; Monsieur le Vicomte ;…), une introduction, un développement, une conclusion et une clôture (Je vous prie de croire…).

Et vous ? Avez-vous déjà essayé d’écrire un échange de lettres ou un roman épistolaire ?