Alcatraz contre les infâmes bibliothécaires

Et donc, j’étais là, ligoté sur un autel d’encyclopédies périmées, à deux doigts d’être sacrifié aux forces du mal par une secte d’infâmes bibliothécaires. Vous imaginez bien qu’une situation de ce genre peut être assez troublante. Ça fait des trucs bizarres au cerveau de flirter avec le danger comme ça; souvent, ça vous fait réfléchir à votre vie. Si vous n’avez jamais connu ce type de circonstances, eh bien, vous devrez me croire sur parole. Dans le cas contraire, vous êtes probablement mort et il y a peu de chance pour que vous soyez en train de lire ces lignes. En ce qui me concerne, me retrouver au bord du trépas me fit penser à mes parents. Plutôt étrange, vu que je n’avais pas grandi avec eux. Jusqu’à mon treizième anniversaire, je ne savais vraiment qu’une chose à leur sujet : ils avaient un sens de l’humour assez malsain. (…)

Voilà comment débute le premier tome des aventures d’Alcatraz, édité par Le Livre de Poche. Une lecture que j’ai vraiment pris plaisir à découvrir. Pour moi, il s’agit là d’un livre que je qualifierais d’« ovni » ! Mais patience, je m’explique !

Tout d’abord, ce livre est le premier volet des aventures d’Alcatraz Smedry. Oui, vous avez bien lu : Alcatraz Smedry. Si vous n’êtes surpris pour le moment que par ce nom original et quelque peu ridicule que porte ce jeune garçon de 13 ans, attendez donc de mieux le connaître et de voir dans quelles folles aventures il va vous embarquer…

Mais commençons par le début : la vie d’Alcatraz Smedry n’est pas rose. Orphelin, il va de famille d’accueil en famille d’accueil où il ne reste dans chacune que très peu de temps, car le jeune garçon est désespérément maladroit : il casse tout ce qu’il touche, ou plutôt, comme diraient ses parents adoptifs, détruit. Les innombrables dommages causés obligent généralement la famille d’accueil à un moment donné, à le « rendre ». Mais le jour de son treizième anniversaire, Alcatraz reçoit un mystérieux colis contenant un sac de sable et se découvre alors une famille en faisant la connaissance de son grand-père un peu dingue, papi Smedry. Et lorsque celui-ci s’aperçoit que le sac de sable a disparu, il emmène alors Alcatraz avec lui pour l’aider à le récupérer et à sauver le monde de ces infâmes bibliothécaires évidemment responsables de cette disparition ! Alcatraz et Papi Smedry partent alors à la recherche de ce sac de sable qui n’est évidemment pas « juste » un sac de sable mais je ne peux vraiment pas vous en dire plus… ! Se joignent à eux Bastille, la jeune fille aux cheveux argentés, chevalier de Crystallia, et Sing le cousin d’Alcatraz toujours vêtu d’un kimono. Et de là commence une aventure incroyable dans des mondes complètement à part… Dépaysement assuré !

Avec cette lecture, je suis allée de surprise en surprise, et j’ai ri aussi ! J’ai découvert, chapitre après chapitre les mondes des Royaumes Libres et de La biblie intérieure (surnommée aussi Chutland) qui est un ensemble de nations dirigées par les bibliothécaires. Ces infâmes bibliothécaires sont terriblement dangereux, et portent ces étranges lunettes aux montures d’écailles rafistolées. Ils contrôlent l’information et taisent la véritable histoire de la planète afin que nous ne sachions pas la vérité. À peine lancé dans cette aventure, Alcatraz apprendra par son grand-père que sa manie de casser est en fait un grand Talent ! D’ailleurs, le cousin Sing a le Talent de trébucher et papi Smedry celui d’arriver en retard ! Enfin valorisé, Alcatraz va être d’une grande aide dans la bataille contre les infâmes bibliothécaires et sa maladresse sera son plus grand pouvoir ! Alcatraz apprendra aussi énormément sur lui, et la fin du premier tome laisse présager de nouvelles révélations…

Parce que le style de narration diffère énormément des autres romans jeunesse que j’ai pu lire jusque là, il m’a fallu tourner quelques pages pour m’y habituer et l’ai finalement beaucoup apprécié, pour ne pas dire savouré !

Je n’ai pas regretté une seule seconde de m’être laissée entraîner dans cette histoire où il n’y a plus de logique ni même de règles. Car pour apprécier ce livre, il faut s’abandonner à l’imagination débordante de l’auteur et oublier tout ce que vous avez appris ou connu, puisque le monde que vous allez découvrir n’est vraiment pas celui que vous croyez !

(…) Ceci est un livre sérieux. Terriblement sérieux. Votre scepticisme est le résultat d’une vie entière passée dans le système éducatif dirigé par les bibliothécaires, un système qui vous farcit la tête de mensonges. Vous n’aviez certainement jamais entendu parler des Smedry, alors que nous sommes la plus célèbre famille d’Oculateurs du monde. Il y a des endroits dans les Royaumes Libres où être un Smedry, c’est comme faire partie de la noblesse. (Si vous voulez vous amuser un peu, demandez-donc à votre prof d’histoire qui sont les Smedry. Si vous avez affaire à un agent à la solde des bibliothécaires, il deviendra tout rouge et vous filera une heure de colle ou deux. S’il est innocent, il aura juste l’air de ne pas comprendre la question et vous collera sûrement quand même) (…)

Outre l’histoire, originale et « légèrement » (ou complètement ?) déjantée, j’ai beaucoup aimé la façon dont le récit avait été écrit. Ce langage parlé et l’utilisation du « Je » prend à partie le lecteur et crée une proximité avec lui. Alcatraz Smedry, qui est le narrateur, s’adresse à lui comme il parlerait à un camarade et l’inclut entièrement dans l’aventure en lui faisant part de ses inquiétudes, de ses avis et pensées…

Cette série, qui se divise pour le moment en quatre tomes, est en fait l’autobiographie d’Alcatraz, racontée plus tard, après qu’il ait vécu de nombreuses aventures.

J’ai vraiment aimé cette lecture qui sort définitivement de l’ordinaire et qui est sarcastique à souhait ! Si l’on aime cette forme d’humour, où le fantastique s’en mêle, lire Alcatraz sera un régal ! Le récit est efficace, et bien rythmé. Une lecture qui est conseillée pour les lecteurs de 12 ans et plus.

Si vous acceptez de côtoyer des mondes aux noms aussi bizarres qu’imprononçables, des dinosaures parlants et des bibliothécaires armés, alors vous êtes fin prêts !